Bongo Bongo

Bongo Bongo [1] connaît cinq numéros, étalés d’avril 1992 à fin 1996 ou début 1997 (par déduction, à partir du contenu, aucune mention de date de publication ne figurant sur le document). La revue est diffusée principalement auprès des abonnés du TCD, à un rythme annuel. Sa rédaction en chef est assurée par Isabelle Galloni d’Istria (responsable de la communication, membre de l’équipe permanente du TCD) et sa conception graphique confiée au cabinet Ultime design.
De grand format (22x33 cm), édité sur papier cartonné, Bongo Bongo affiche une mise en forme faisant abondamment appel au dessin, d’une facture stylisée très homogène, souvent d’inspiration néo-ethnique, ainsi qu’à la photographie avantageusement exposée, volontiers sous forme de portfolio. Un numéro de Bongo Bongo se remarque !
Le premier numéro de la revue (avril 1992) s’ouvre sur un portfolio – dessins de l’artiste, photos – proposé en carte blanche à Philippe Decouflé, le chorégraphe qui aura occupé la deuxième position (derrière Dominique Bagouet) quant à la fréquence des apparitions dans l’abonnement du TCD (à onze reprises au total, à égalité avec Régine Chopinot - Cf. la section Fréquence de programmation). Suit un volumineux dossier (seize pages) consacré au hip-hop, dont le TCD est alors en train de devenir l’une des plateformes de production, de création et de diffusion les plus actives de l’Hexagone (et qui inaugure cette saison-là, avec la production du spectacle Mouv’Danse, son modèle d’accès de cette nouvelle génération d’artistes aux formats professionnels). Les dix pages finales contiennent des propos de Susan Buirge, figure tutélaire du paysage contemporain parisien, consacrés à Alwin Nikolaïs (dont elle fut une interprète de premier plan et à propos duquel elle vient de prononcer une conférence) et d’autres contributions diverses relatives à ce maître américain.
Ce premier numéro donne ainsi le ton d’une publication dont l’analyse fine permettrait sans doute de déceler la production d’un discours au sein du mouvement de la Nouvelle danse française, du moins la formulation d’un arc de préoccupations et de sensibilité, dont l’imprégnation touche sans doute au-delà des seules activités du TCD – cela, bien que le contenu de Bongo Bongo puise, pour l’essentiel, la matière de ses articles dans ses activités mêmes, battant alors leur plein autour d’un studio très actif et ouvert sur les pratiques chorégraphiques, dans les propres locaux de l’association.
Une sensibilité particulière paraît se manifester à l’endroit du vécu effectif de l’artiste chorégraphique – l’interprète, non seulement le chorégraphe-auteur – recoupant par là une thématique très débattue alors. Les interviews abondent, collectés auprès d’artistes au travail dans le lieu. L’influence de Patricia Brouilly, alors chargée des stages et formations, n’y paraît pas étrangère.
En mai 1995, le n°4 de la revue est consacré presque exclusivement à la restitution d’une enquête confiée à l’universitaire Isabelle Launay (département d’études en danse de Paris 8), consistant en vingt-cinq questions posées à vingt-cinq danseurs. Il est à noter que la couverture de ce numéro peut éventuellement être lue comme une allusion à l’épidémie de sida.
A une époque où les concepts de performativité ou de pensée postcoloniale restent largement méconnus dans l’Hexagone, Bongo Bongo articule des questionnements autour de « la création et les expressions traditionnelles » (particulièrement dans son n°2, en mars 1993), du concept de « métissage » alors en vogue, et des danses qu’on pourrait dire « d’ailleurs », mais aussi « populaires », dont le hip hop constituerait une forme de prolongement urbain contemporain.
Sans que cela soit si éloigné, c’est aussi une lecture du potentiel fictionnaire des fonctions de la perception chez le danseur, en écho à son expérience la plus effective, qui est valorisée, par exemple avec la très large place faite aux réflexions du kinésiologue Jacques Garros (« Notre corps est la terre de notre esprit ») dans le n°5, (dernier numéro non daté). Il n’est peut-être pas si aventureux d’y déceler des signes de l’engouement d’alors pour le contact improvisation, la composition instantanée, les approches somatiques. [2]

G.M.

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À lire

Bongo Bongo, 1992
Bongo Bongo, 1993
Bongo Bongo, 1994
Bongo Bongo, 1995
Bongo Bongo, 1996



[1Ce titre est un clin d’oeil à Bongo Bongo Nageela, sarabande finale, endiablée, de la pièce Impressing the Czar, créée par William Forsythe en 1988 (selon l’indication de Christian Tamet en 2014).

[2C’est une hypothèse pour une étude restant à conduire.