À bâtons rompus avec... Ko Murobushi et Carlotta Ikeda, 6 avril 1985 (46’)

C’est à la fin des années 1970 que la France découvre le le butô, cette “recherche chorégraphique développée dans la seconde moitié du XXe siècle" au Japon par Tatsumi Hijikata (1928-1986) et Kazuo Ohno (1906-2010) [1]. Le spectacle de Carlotta Ikeda [2] et Ko Murobushi, Le dernier Eden, programmé au Nouveau Carré Silvia Monfort en 1978, constitue, pour le public et la critique, un véritable choc esthétique. Comme nombre de ses confrères journalistes, Lise Brunel est tout à la fois fascinée et bouleversée par cette "danse des ténèbres" dont elle suivra le développement sur les scènes françaises tout au long de sa carrière [3].

Avant de s’installer définitivement à Bordeaux dans les années 1990, Carlotta Ikeda vient plusieurs fois en France, avec sa compagnie Ariadone où elle travaille en collaboration avec Ko Murobushi. Le festival Sigma (Bordeaux) la programme en 1981 avec la pièce Zarathoustra puis, elle présente, en avril 1985, à l’espace Kiron (Paris), deux nouvelles chorégraphies : En et Utt. C’est à cette occasion que Lise Brunel réalise le présent entretien qui sera la base d’un article paru dans le Matin de Paris le 12 avril 1985 : "Carlotta Ikeda et Ko Murobushi : "Nous cherchons des zones d’ombres"".

En quête d’une définition du butô, Lise Brunel démarre l’interview en interrogeant les deux chorégraphes sur leur positionnement par rapport à d’autres artistes comme Sankai Juku ou Kazuo Ohno. Carlotta Ikeda et Ko Murobushi revendiquent alors une filiation très forte avec ce dernier dont ils partagent beaucoup de points communs, notamment le travail sur l’intériorité. Lise Brunel questionne ensuite les deux artistes sur la nature des "ténèbres" qui les animent. Ko Murobushi déclare alors à propos de Carlotta Ikeda : "Les ténèbres se trouvent en elle. Ce sont des ténèbres dans le corps. (...) Quand on danse on n’est plus soi-même. C’est un temps qui va au delà de l’humanité et qui est spécifique à la scène  : c’est ce que j’appelle les ténèbres. Cela dépasse le temps humain."
La conversation se poursuit autour de l’histoire du butô, depuis sa création au Japon à la fin des années 1950 jusqu’à son succès retentissant en Europe. Puis la journaliste cherche à obtenir des explications plus techniques et interroge les artistes sur les questions d’intériorité, de marche ou encore de poids.
Enfin, la dernière partie de l’entretien porte sur les deux chorégraphies présentées à l’Espace Kiron, et notamment sur la musique de Takehisa Kosugi (1938-2018) - par ailleurs compositeur pour Merce Cunningham - mais également sur les décors du peintre Natsuyuki Nakanishi (1935-2016), qui a aussi beaucoup travaillé avec Tatsumi Hijikata.

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Carlotta Ikeda ; Ko Murobushi - « Utt » ; « En » - Espace Kiron (Paris), 9 avril 1985 / Fonds Jean-Marie Gourreau – Médiathèque du CN D


[1Voir en ligne, Sylviane Pagès, Butô, fiche thématique

[3Voir l’enregistrement sonore de l’entretien de Lise Brunel avec Ko Murobushi et Carlotta Ikeda, réalisé en 1978 autour du Dernier Eden - Fonds Lise Brunel - Médiathèque du CND