Interpréter la folie de Giselle

Dans le premier acte du ballet, Giselle rencontre un jeune homme dont elle tombe amoureuse, Albrecht, qui se déguise en paysan pour séduire les villageoises. Mais Hilarion, le garde-chasse amoureux de Giselle, découvre la véritable identité du duc et révèle la supercherie. Lorsqu’elle apprend qu’Albrecht est en réalité fiancé à la princesse Bathilde, le choc est tel que Giselle en perd la raison et en meurt. Ce moment du ballet qui conduit à la mort de Giselle est communément nommée « la scène de la folie ». Dans ce court extrait, on découvre les instants qui précède cette scène emblématique, où Giselle voit Albrecht saluer Bathilde et découvre qu’elle a été trahie.

"Giselle" par le Ballet du théâtre de la Scala, 2005. Interprètes : Svetlana Zakharova, Roberto Bolle et Vittorio d’Amato.

Deux registres, deux traditions marquent ce rôle. L’une se situe dans la droite ligne de sa première interprète (Carlotta Grisi), celle de la danseuse nonne ou « danseuse chrétienne », comme aimait la définir Gautier, prise d’une possession mystique. L’autre s’inscrit dans la continuité de la « danseuse païenne » (Fanny Elssler), en lien avec les représentations de l’hystérie, qui se développent surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Avec la folie de Giselle, les danseuses font l’expérience d’une expressivité poussée à ses limites, où elles « signent » tout particulièrement leur interprétation. Dans ces trois vidéos, Wilfride Piollet, Françoise Legrée et Ghislaine Thesmar reviennent sur ce qu’implique cette scène en tant qu’interprète.

Pour Wilfride Piollet, cette scène emblématique implique des recherches. Pour l’interpréter, elle s’est renseignée, imbibée de l’époque. Elle souligne que la folie peut être plus ou moins extrême selon l’interprétation, et tient particulièrement au contraste entre l’affirmation du bonheur de l’acte et la scène de la folie qui "fait tout dérailler".

Extrait de l’entretien de Wilfride Piollet conduit par Florence Poudru, CND, 2003.

«   Giselle, sous le choc, perd la raison et meurt   » rappelle Françoise Legrée en reprenant les mots de Gautier dans l’extrait suivant. Pour créer sa propre Giselle, elle explique s’être approprié certains éléments gestuels d’autres interprètes.

Extrait du stage "Parole d’interprète, écriture de la danse" animé par Fabienne Ozanne-Paré et Françoise Legrée, CND, 2005.

Dans ce dernier extrait, Ghislaine Thesmar commente l’interprétation de la scène de la folie proposée par une étudiante, une Giselle perdue, innocente, délicate, et souligne la variété des interprétations qu’il est possible d’en livrer.

Extrait de la "Grande leçon de danse" de Ghislaine Thesmar, CND, 2014.