La fréquence de programmation

Au moment de cerner les phénomènes de fidélisation, ou du moins de fréquence plus ou moins importante des apparitions des artistes dans la programmation du TCD, il nous a semblé pertinent de regrouper les deux abonnements principaux (le « parisien » historique, et celui concernant l’Île-de-France), en ceci qu’ils concernent des artistes comparables en niveaux de notoriété et de reconnaissance d’une part, et que, d’autre part, le rapport de proportion entre ces deux abonnements (seulement 14 artistes programmés en Ile-de-France sans l’être par ailleurs à l’abonnement « parisien ») semble peu susceptible de provoquer un effet de torsion statistique.
La programmation du studio nous a paru, au contraire, relever d’une sphère de curiosité, comme de modalités pratiques de présentation des artistes, manifestement distinctes. [1] Il est à noter par ailleurs que quelques programmations festives, événementielles, réunissant un large plateau à base d’extraits d’artistes nombreux (du type « La jeune danse est au Zénith », le 30 septembre 1987), peuvent induire un certain biais dans l’analyse.

Dominique Bagouet aura été le chorégraphe dont les œuvres auront été le plus montrées par le TCD (quinze entrées en programmation). Quatre autres artistes sont montrés plus de dix fois : Philippe Decouflé, Maguy Marin, Régine Chopinot (chacun onze fois) et Josef Nadj (dix fois). Treize autres artistes ou « couples » d’artistes apparaissent entre cinq et neuf fois [par ordre décroissant : Georges Appaix (9), Daniel Larrieu (8), Odile Duboc (7), Catherine Diverrès, Michel Kelemenis, Mathilde Monnier et Angelin Preljocaj (6), Stéphanie Aubin, Christian Bourigault, Joëlle Bouvier-Régis Obadia, Andy De Groat, Héla Fattoumi-Éric Lamoureux et Karine Saporta (5)]. [2]
Au total, dix-sept artistes ou paires d’artistes apparaissent donc entre cinq et quinze fois, totalisant cent-trente-six présences dans des soirées à l’affiche. [3] Un chiffre à placer en regard des soixante-dix-neuf artistes qui, à l’autre extrémité de l’échelle, n’apparaissent qu’une ou deux fois, totalisant cent affiches. 15% des artistes réalisent ainsi un résultat groupé à l’affiche qui est supérieur d’un tiers au résultat d’un autre groupe réunissant 60% du total des artistes.
Ce fort déséquilibre semble indiquer une politique active d’accompagnement dans la montée en notoriété d’un groupe privilégié, du moins sélectionné dans les faits, d’artistes. Douze des dix-sept artistes du premier groupe sont directeurs d’un centre chorégraphique national quand ils sont programmés au TCD, ou le deviendront à un moment ou à l’autre. A côté de ces options préférentielles, le nombre total d’artistes présentés, quelque 200 en quinze ans avec la programmation du studio, révèle sans doute un souci de présenter une très large diversité et ne saurait s’expliquer sans une attitude d’attention active à l’apparition, alors à rythme soutenu, de nouveaux visages sur la scène de la danse contemporaine hexagonale.
Le studio paraît, particulièrement, un lieu actif de ce qu’on caractérisera plus tard comme l’émergence. Au demeurant, il est à relever que la systématisation de la programmation publique du studio aura fini par découler d’une activité déjà installée, mais moins formalisée, de lectures-démonstrations, étapes de travail, rendus de résidence. Les témoignages recueillis font apparaître que ce type d’activité fut d’abord conçu à destination du milieu professionnel, mais que les frontières de ce milieu se seront révélées poreuses, dans un secteur artistique particulièrement juvénile, bouillonnant et novateur. Enfin cette dimension professionnelle du public s’est aussi traduite par le choix du studio du TCD comme lieu privilégié de production des plateformes professionnelles de nouvelle danse, les GRAC (Groupes régionaux et interrégionaux d’associations culturelles), mises en place par l’ONDA (Office national de la diffusion artistique) – parfois au rythme de plusieurs rendez-vous par saison. Lors de ces rencontres, « les diffuseurs se concertent régulièrement, échangent l’information qu’ils reçoivent, leurs impressions sur les spectacles qu’ils ont vus et organisent entre eux quand c’est possible des tournées. » (in La Lettre de la danse n°5, janvier 1987). [4]

G.M.

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À lire
La programmation par chorégraphe

Les programmes des GRAC
Mars 1988

Février 1989

Mars 1989

Février 1990

Avril 1990

Février 1992

Novembre 1992



[1Cette appréciation peut néanmoins se discuter au vu de la circulation entre catégories par exemple de Dominique Boivin, lequel apparaît quatre fois dans les programmations en abonnements, mais encore cinq fois supplémentaires au studio.

[2La quasi absence (une seule programmation) de Jean-Claude Gallotta, qui bénéficie par ailleurs d’une programmation régulière au Théâtre de la Ville, est à remarquer. Parallèlement, Christian Tamet explique la très forte présence de Dominique Bagouet au TCD par sa difficulté jusque là à montrer son travail à Paris, notamment au Théâtre de la Ville.

[3On ne parle pas ici de pièces présentées, mais de mises à l’affiche des chorégraphes, puisque certaines soirées sous un seul nom de chorégraphe peuvent comporter plusieurs de ses pièces d’une part, quand, d’autre part, certains programmes peuvent présenter des pièces de plusieurs chorégraphes, et qu’enfin certaines pièces peuvent être montrées à plusieurs reprises dans divers programmes, et notamment reprises en banlieue après Paris.

[4Voir l’article de Jean-Marc Adolphe sur le rôle de l’Onda dans La Lettre de la danse n°5, janvier 1987.