Roland Petit – Le Jeune Homme et la Mort

Chorégraphie : Roland Petit
Livret : Jean Cocteau
Création : 1946

Enregistrement : 1955
Interprètes : Jean Babilée, Claire Sombert
Durée : 13 min.

Le Jeune Homme et la Mort est un des chefs-d’œuvre de la danse au XXe siècle. Entré au répertoire de l’Opéra de Paris en 1990, ce ballet issu d’une étroite collaboration entre Jean Cocteau et Roland Petit réunit la Passacaille de Johann Sebastian Bach, des costumes de Karinska et des décors de Wakhévitch. L’intrigue se résume en quelques mots : un jeune homme attend une jeune femme, il est amoureux d’elle, elle arrive, le rejette, il se pend. Cette œuvre, créée le 25 juin 1946 au théâtre des Champs-Élysées, avec Nathalie Philippart et Jean Babilée, fut tout autant célébrée par ses contemporains qu’elle l’est depuis par la critique.

Le Jeune Homme et la Mort est ainsi le ballet qui inaugure la carrière de Roland Petit comme chorégraphe. Remarqué lors de la création des Forains en 1945, ce dernier connaît son premier grand triomphe lors de cette collaboration avec Cocteau en 1946, avant de réitérer ce succès de façon autonome avec Carmen, trois ans plus tard. Le Jeune Homme et la Mort propulse ainsi le tout jeune artiste, à l’âge de 22 ans, sur la scène internationale, et notamment américaine.

Pourquoi cette pièce néo-classique a-t-elle tant marqué l’histoire chorégraphique au XXe siècle ? Sans doute parce que Le Jeune Homme et la Mort inaugure une double rupture. La première dans le champ de la danse, car cette œuvre s’émancipe du ballet académique tel que le pratique par exemple, dans les années 1940, Serge Lifar à l’Opéra de Paris. Les danseurs fument, s’affrontent, se débattent ; Babilée en artiste bohème flirte avec l’acrobate, exécutant des sauts hardis et des roulades ralenties. Des gestes réalistes et des décors de cinéma s’invitent sur scène, pour la danse, donnant à l’œuvre l’allure d’un film muet tourné sous les toits d’un Paris contemporain. Cette œuvre insuffle ainsi un second élan très remarqué au déploiement de la danse néo-classique dans la France de l’après-guerre. Le ballet opère en outre une seconde rupture dans le champ de l’écriture pour la danse : son argument est d’abord raconté par Cocteau à Roland Petit, et c’est seulement une fois la chorégraphie au point et les premières représentations données que Cocteau en écrit le livret.

À rebours de l’ensemble des autres livrets qu’il a pu écrire, Cocteau ne se contente pas de retracer dans celui-ci les grandes lignes de l’intrigue ou du spectacle, il y expose sa conception de la danse comme traduction de la parole dans le langage corporel, langage universel, et y assimile explicitement le travail du chorégraphe et du librettiste au travail du poète. De fait, cette pièce est un point de convergence de son œuvre littéraire, car elle reprend nombre de personnages et de motifs propres à son univers de poète. La critique a en outre souvent souligné la parenté qui existe entre ce ballet et certains films de l’artiste, notamment Orphée et Le Sang d’un poète. Dans ces trois œuvres se retrouve le mythe tout personnel de l’auteur, celui du poète hanté par la figure à la fois terrible et envoûtante de la Muse qui est aussi la Mort.

Notice rédigée par Camille Riquier Wautier.