Hors de l’Opéra

C’est également dans ce « dehors » que se dessine un travail essentiel d’assimilation des savoirs et des répertoires : le « dehors » d’une relation choisie avec un maître singulier dans son studio, relation spécifique non plus d’élève à professeur mais de disciple à maître.

Le journaliste et écrivain Léandre Vaillat [1] témoigne pour les années 1940 du grand nombre de maîtres de ballet présents sur la place parisienne. Dans "Les écoles de danse de Paris" (1941), il explique que leur enseignement se révèle indispensable aussi bien à l’accompagnement des élèves dans leur préparation à l’examen d’entrée de l’Opéra de Paris que dans leur accompagnement technique au cours de leur carrière.

"En dehors de l’Opéra, il (...) existe beaucoup [d’écoles] dans Paris. Il y en a même tellement que je ne puis prétendre à les décrire toutes dans le cadre obligatoirement restreint de cette esquisse. (...) On peut distinguer, cependant, deux groupes : celui des Français, celui des Russes. Ici et là, les élèves savent qu’ils sont en présence d’un maître et non d’un magister. Ils n’ignorent pas que ce maître a franchi un à un les échelons de la hiérarchie, qui, à la clarté d’examens difficiles, fera d’eux, successivement des deuxièmes, puis des premiers quadrilles, puis des coryphées, puis des petits sujets, puis des grands sujets, puis des premières danseuses, enfin une étoile !" [2]

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Léandre Vaillat, « Les écoles de danse de Paris », [tiré-à-part non sourcé], 14 mars 1941. Fonds Léandre Vaillat-Médiathèque du CND

Plus largement, bien des danseurs font référence à ces cours parallèles, cours privés et souvent particuliers que l’on pourrait appeler « buissonniers », qui sont cependant un pilier déterminant de leur travail.

Wilfride Piollet évoque l’importance que les cours particuliers ont eu sur sa danse et sur la manière dont elle s’est construite. Elle parle de Mme Egorova ("ancienne ballerine du théâtre Marie, (...) tombée du ciel de Saint-Pétersbourg avec la pluie d’étoiles qui s’est abattue sur Paris après la révolution russe" [3] comme la présente Léandre Vaillat) et de Mme Guillaumin, deux professeures complémentaires dans la pratique et la pensée de la danse classique. Elle met l’accent sur la révélation que fut sa découverte des cours de jazz et d’autres approches de la danse classique.

Extrait de l’entretien de Wilfride Piollet conduit par Florence Poudru, CND, 2005.



[1Léandre Vaillat (1876-1952) fut un critique d’art, essayiste et romancier du début du XXe siècle qui a beaucoup écrit sur la danse à partir de 1939. Voir aussi l’inventaire du fonds d’archives conservé à la médiathèque du CND qui rassemble ses écrits, correspondance et articles.

[2Léandre Vaillat, « Les écoles de danse de Paris », [tiré-à-part non sourcé], 14 mars 1941, p. 1. Fonds Léandre Vaillat-Médiathèque du CND

[3Léandre Vaillat, op. cit., p. 8. Fonds Léandre Vaillat-Médiathèque du CND