Les abonnements

Dans sa conférence de presse du 26 avril 1984, le Ministre de la Culture annonçait l’accueil, chaque saison au Théâtre de Paris, de 50 représentations à 20h30, un maximum de 50 représentations à 18h30, et par séries de huit à neuf spectacles. [1] « TCD, mode d’emploi », texte autoproduit (La Lettre de la danse, n°4, juin 1986), précise qu’« une saison réunit en moyenne une quinzaine de programmes différents au cours de 60 à 80 soirées ». L’évaluation de ce nombre de soirées différentes correspond à ce qui découle du panorama des saisons, et restera d’ailleurs assez stable au fil des ans, avec plutôt une tendance à la baisse les dernières saisons. [2]
Comme pour tout abonnement, l’argument attractif consiste à faire bénéficier l’abonné de tarifs préférentiels. Par exemple pour la 3e saison (1986-87), le prix d’un spectacle à l’abonnement est de 45 francs (11,54 € en données corrigées de 2015), quand le billet unitaire hors abonnement oscille de 60 francs à 110 francs (très exceptionnellement) (soit de 15,39 € à 28,21 €). [3] La 6e saison (1989-90) voit l’apparition de propositions atypiques ou spécifiques (deux soirées cinéma à l’Opéra Garnier, un spectacle pour le jeune public), mais aussi un bonus sous forme d’un spectacle gratuit réservé aux abonnés (en l’occurrence, une sorte d’étape de travail, de Philippe Decouflé préparant alors Codex, montrée au Musée Grévin). Cette tendance à la diversification paraît ensuite s’installer.
Un second abonnement fait son apparition pour la 8e saison (1991-92) et sera maintenu par la suite. C’est l’abonnement « Ile-de-France », [4] avec quatorze spectacles proposés [5] dans onze établissements différents de toute la région. [6] A son lancement, il est précisé que l’abonné est libre de panacher ses choix entre les deux propositions (l’abonnement historique « parisien » et la nouvelle offre outre-périphérique).

La programmation au « studio », à partir de la 10e saison (1993-94), de soirées gratuites pour les abonnés ne fait pas l’objet d’un abonnement, et se traduit, de fait, par autant de spectacles supplémentaires (neuf la première année, puis dix, onze, et jusqu’à seize voire dix-neuf dans les dernières années). Cette salle n’offrait que 80 places, mais les témoignages sont là pour attester qu’à cette époque, on ne se formalisait guère au moment de « repousser les murs » ou de jouer avec les règles de sécurité, de sorte qu’une programmation d’un artiste pour quatre soirées au studio pouvait équivaloir aux résultats obtenus dans une salle plus régulière. Il convient de remarquer que le niveau de subventionnement d’alors permet le fait que toute présentation artistique publique au studio (même hors spectacle proprement dit) fasse l’objet d’une rémunération. [7]

Les données concernant les résultats de vente des abonnements du TCD manquent largement dans les archives présentes au CND. Seuls figurent deux bilans détaillés des 1e et 2e saisons (1984-85, 1985-86) dans « TCD, mode d’emploi » (in La Lettre de la danse n°4, juin 1986), mais spectacle par spectacle, sans que les totaux aient été calculés. La première saison connaît des taux de fréquentation faibles (huit des quinze programmes enregistrent un remplissage inférieur à 50 % de la jauge mise en vente). Il paraît raisonnable de penser que la taille de la salle d’accueil au Théâtre de Paris (1200 places) ne joue pas pour rien dans ces résultats, qui s’améliorent dès la seconde saison, dans des salles de tailles diverses (un seul taux de remplissage inférieur à 50%). De surcroît, en février 1986, La Lettre de la danse n°3 indique subrepticement que « le nombre d’abonnements [pour cette deuxième saison, donc] a doublé. Le public potentiel de cette saison dépassera vraisemblablement les 30 000 spectateurs. »

G.M.

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À lire
Le panorama des saisons : la programmation du TCD de 1984 à 1998



[1Cette dernière donnée suggère des prévisionnels de fréquentation par spectacle peu réalistes semble t-il, dans une salle de 1200 places, même avec réaménagement de la jauge et même à Paris. De fait, les séries proposées au Théâtre de Paris au cours de la 1e saison (1984-1985, la seule qui s’y déroulera systématiquement) ont une durée moyenne de cinq représentations.

[2Les huit premières saisons offrent – à une exception près – quinze programmes différents ou plus, quand les sept dernières se situent en-dessous de quinze. Il est à noter que dans cette seconde période, le studio du TCD présente au public une offre abondante d’autres rendez-vous de natures diverses, dont plusieurs sont de vrais spectacles (mais hors abonnement).

[3La consultation des brochures successives permet d’observer diverses modulations. Par exemple, en 10e saison (1993-94), la proposition d’une « Carte Pass » à 200 francs (51,29 €) pour 3 spectacles, les suivants à 50 francs (12,82 €), avec un tarif bonifié de cette même carte pour les danseurs (150 francs). Il est à envisager (sous réserve d’étude plus fouillée) que ces modulations de la politique tarifaire relève d’un affinement progressif dans la maîtrise professionnelle de techniques de marketing, au sein de l’équipe du TCD. Aujourd’hui, Isabelle Galloni d’Istria relève qu’à l’époque (début des années 90), « se préoccuper de la fréquentation pouvait sembler vulgaire » dans le milieu de la danse contemporaine, ce que corrobore Christian Tamet, en ces termes : « On nous appelait les soldeurs. » Conclusion : « On était bon commercialement. »

[4Il convient de préciser que plusieurs théâtres outre-périphérique sont susceptibles de figurer, parfois régulièrement, dans l’abonnement « parisien » du TCD : le TGP à Saint-Denis, la Maison des Arts de Créteil (MAC), la MC 93 à Bobigny, la Ferme du Buisson à Marne-la-Vallée, la Chaufferie à Saint-Denis. Quand l’abonnement Ile-de-France se met en place, trois établissements sont susceptibles de glisser de l’une à l’autre des deux catégorisations, au cas par cas : le TGP, la Ferme du Buisson, et la MAC.

[5Ce nombre tourne plus volontiers autour de dix les saisons suivantes

[6Au total, 21 établissements différents de toute l’Ile-de-France accueilleront au moins une fois un spectacle de cet abonnement, au cours des sept saisons en cause (aucune mention n’apparaît dans les documents disponibles pour la toute dernière saison d’existence du TCD, la 15e, en 1998-99, période que d’autres signes laissent envisager comme en proie à une certaine confusion, vraisemblablement imputable à la création en relais du TCD du Centre national de la danse).

[7Selon le témoignage des membres de l’équipe interviewés en 2014.