Un "ballet école"

Certains ballets classiques sont aussi à eux seuls, selon Isabelle Launay, des dispositifs de transmission. Année après année, la mémoire se transmet sur le mode de l’imprégnation : tout au long de sa carrière – du statut d’enfant et de figurant à celui d’étoile –, un danseur peut en effet traverser l’ensemble des rôles proposés par un seul ballet, et la hiérarchie des rôles constitue en elle-même une série de niveaux à franchir. C’est le cas de Giselle mais aussi de La Belle au bois dormant ou du Corsaire.

Dans sa biographie, Tamara Karsavina rapporte qu’à Saint-Pétersbourg, à la fin du XIXe siècle, « suivant la tradition, le dernier acte du ballet avait la forme d’un divertissement et souvent on y introduisait une danse pour les élèves afin de les habituer à paraître sur la scène [1] ». La fréquentation de la scène permettait aux tout jeunes danseurs de connaître par cœur la plupart des rôles, longtemps avant d’avoir à les jouer eux-mêmes.

Françoise Legrée indique elle aussi avoir observé puis joué tous les rôles de Giselle. Alors, quand ce fut à son tour d’interpréter le rôle, elle connaissait l’ensemble de l’œuvre et savait précisément ce qui se déroulait autour d’elle.

Extrait de l’entretien de Françoise Legrée conduit par Florence Poudru, CND, 2005.



[1Tamara Karsavina, Ma vie, trad. Denyse Clairouin et Tania Biondi, Paris : Éditions Complexe, 2004, p. 53.