Une compagnie-manifeste

Proches du critique et dessinateur Patrick Bossatti, fervent défenseur de la cause des interprètes (voir plus haut), Dominique Brunet et Bertrand Lombard ont dansé ensemble plusieurs pièces de Daniel Larrieu dans la seconde moitié des années 1980 (Waterproof, Romance en stuc, Anima...), et s’interrogeaient déjà quant à la place et le rôle reconnus à l’interprète dans la création chorégraphique contemporaine.

Comme d’autres danseurs de la compagnie Astrakan, ils se sont également portés candidats, en solo ou duo, pour le Concours de danse de la Ville de Paris de 1986. Ces petites formes sont présentées lors d’une soirée composite en septembre 1987, intitulée Concours de circonstances à l’Espace Kiron, qui fait germer l’idée d’une « compagnie d’interprètes » dans laquelle ces artistes auraient la part belle et seraient reconnus comme créateurs à part entière.

Quelques années plus tard, Dominique Brunet partage sa conviction avec Andrée Penot dans la publication des Cahiers du Renard dédiée aux « Interprètes-Inventeurs » :

« Il y actuellement une fuite en avant, on n’a pas le temps de réfléchir, de retravailler une pièce parce qu’il faut toujours faire du neuf… Il faudrait forger un répertoire, que les interprètes soient reconnus au même titre que les acteurs, les comédiens. Il y a un travail à faire, et je crois que c’est par nous, interprètes, qu’il se fera. » [1]


Associés à Patrick Bossatti, Bertrand Lombard et Dominique Brunet fondent ainsi en 1993, « La Ronde, compagnie d’interprètes » (voir aussi l’inventaire du petit fonds d’archives de la compagnie) en réponse à cette envie et leurs questionnements, déployée autour de ce manifeste :

«  Nous discutons depuis longtemps de manière informelle de notre travail d’interprète et de nos désirs, de nos manques, des recherches que nous aimerions mener plus loin, ailleurs.
Nous avons imaginé un cadre pour concrétiser cela.
Prenons pour commencer, quelques danseurs interprètes aux affinités artistiques communes.
Regroupons-les en une équipe indépendante à géométrie variable, solidement structurée.
Faisons-leur choisir des chorégraphes ou metteur en scène.
Ainsi réunis ils sollicitent, génèrent et stimulent diverses situations de travail, diverses formes de réflexion, autres que celles déjà vécues au cours de ces dernières années. » [2]

Document de présentation de l'activité de la compagnie La Ronde, [1993]

Pour geste inaugural, les trois fondateurs se lancent dans la mise en mouvement de l’invention dansée de Patrick Bossatti offerte à ses deux amis interprètes et intitulée La dérive des continents [voir les dessins de P Bossatti]. Cet exercice de mise en corps d’une partition dessinée associe dans un premier temps l’auteur au processus de création. Les deux interprètes poursuivront finalement seuls leur projet, interrompu par le décès prématuré de P. Bossatti. Le résultat constituera la pierre angulaire du futur programme Récital en duos dont un avant-goût est donné lors de l’édition 1993 des Iles de danse au sein du programme "Il(e)s interprètent la danse".

Documents de diffusion du Théâtre de la Cité internationale-Iles de danses pour "Il(e)s interprètent la danse", 27-28 novembre 1993



[1D. Brunet in Andrée Penot, Cahiers du renard, n° 11-12, 1992, p. 110

[2Extrait du document de présentation générale de la compagnie, [1993].