Se former : observer et imiter

La mémoire de l’œuvre « classique » a d’autant plus de chance de s’activer si, dès leur entrée dans l’école où ils sont formés, puis dans le corps de ballet, les danseurs y sont progressivement confrontés. Le plaisir du spectateur est ainsi tributaire d’un lien essentiel, celui qui unit le répertoire des ballets et l’école de danse, et inversement. « Aussi, une porosité à double sens entre l’école et la scène est donc assurée » [1], écrit Isabelle Launay. Les solistes des rôles titres qui construisent leur point de vue sur un rôle, sont eux-mêmes issus d’une école qui transmet une culture spécifique du répertoire et des valeurs.

« Le corps de ballet de l'Opéra de Paris », carte postale. Médiathèque du CND. Défilé du corps de Ballet, Opéra de Paris, 2003. Photo Marion-Valentine. Médiathèque du CND.

C’est d’abord par l’observation que le danseur a accès au répertoire. Enfant ou débutant dans le corps de ballet, et même après quelques années, il n’a pas forcément accès au centre du studio de répétition. Il apprend derrière les autres, installé souvent contre les murs du studio, et ce depuis le début du siècle. Dans un entretien conduit par Christophe Wavelet et Isabelle Launay en 2002, le danseur et chorégraphe Loïc Touzé [2] raconte ses années de formation à l’École de l’Opéra de Paris. Il explique que son premier aperçu de la scène s’est fait directement depuis le plateau de l’Opéra.

Extrait de l’entretien de Loïc Touzé conduit par Isabelle Launay et Christophe Wavelet, CND, 2002.



[1 Isabelle Launay, Poétiques et politiques des répertoires  : les danses d’après I, Pantin, CND, 2017, p. 150.

[2Loïc Touzé (1964-…) est danseur, chorégraphe et pédagogue. Il intègre à dix ans l’école du Ballet de l’Opéra de Paris et danse dans le corps de ballet à partir de 1982. Il démissionne pour se tourner vers la danse contemporaine. Il crée une compagnie en 1992 avec Fabienne Compet puis chorégraphie de nombreuses pièces. Il codirige les Laboratoires d’Aubervilliers entre 2001 et 2006 et dirige, depuis 2011, Honolulu, un lieu de travail pour la création contemporaine dédié à la danse et à la performance à Nantes. Il développe une pratique pédagogique conséquente et donne de nombreux stages pour professionnels et amateurs, en France et dans le monde. Dans son travail, il mêle création, recherche et enseignement sans souci de hiérarchie.