La possession chez Mary Wigman

Bien qu’elle ait fait école, Mary Wigman n’a pas voulu, du moins à ma connaissance, transmettre ses œuvres, et notamment ses solos. La discontinuité est ici volontaire parce qu’il s’agit d’être en quelque sorte possédé par sa propre danse, par des visions propres à organiser une danse, mais aussi de les posséder, de les maîtriser. Sous ce régime de la possession, l’œuvre est entièrement nouée à celui qui danse, elle ne peut être « interprétée », elle ne donne pas lieu à un « rôle », elle est à expérimenter. Il y a une sorte d’interdit de circulation et de reprise des œuvres au profit d’une attitude qui consiste à valoriser la « création » – chacun doit d’abord créer ses propres danses. Cette attitude « présentiste » était d’ailleurs manifeste dans la danse contemporaine en France dans les années 1980-1990, où une reprise était a priori considérée comme moins intéressante qu’une création, et l’on résistait aussi à dénouer la relation entre un danseur et « sa » danse.