Le lore de Joséphine Baker

L’œuvre de Joséphine Baker, quant à elle, est également marquée par une discontinuité liée à sa condition d’artiste afro-américaine, d’abord aux États-Unis puis en France. Elle invente des formes de survie liées à cette discontinuité existentielle pour s’imposer dans un monde de « Blancs », en faisant feu de tout bois pour intégrer et détourner à la fois les codes dominants et exotisants, les caricaturer. Elle crée à travers sa danse l’expression d’une identité diasporique faite de multiples emprunts. Son travail participe ainsi de ce que l’historien anthropologue William T. Lhamon appelle un lore (« savoir »), un savoir-faire qui consiste à mobiliser toutes les ressources existantes et à les « resignifier » de telle sorte qu’elles se détachent d’un folk, c’est-à-dire d’un « peuple ». On pourrait analyser de la même façon les cycles des lore qui re-circulent aujourd’hui dans le hip-hop en intégrant de multiples matériaux, mais cette dynamique peut aussi aider à penser ce qui se trame dans certaines œuvres en danse dite « contemporaine ».