Archives sonores de Lise Brunel

Quelques rencontres remarquables entre 1969 et 1986

La danse Buto vue de France

Entretien avec Ushio Amagatsu, ca septembre 1988 (50’)

Découvert au Festival de Nancy en 1980 avec sa pièce Graine de cumquat, le chorégraphe japonais Ushio Amagatsu (1949-....) est une figure historique du butô que Lise Brunel a particulièrement suivie tout au long de sa carrière. Après une première rencontre en 1981 [1], la journaliste retrouve l’artiste en septembre 1988 alors qu’il présente sa pièce Shijima au Théâtre de la Ville (Paris) avec sa compagnie Sankai juku.

Intrinsèque à la définition même du butô [2], la notion de "danse des ténèbres" fait l’objet des premières questions de l’entretien. Les ténèbres de Shijima sont-elles différentes de celles présentes dans Graine de cumquat ?", s’interroge par exemple la journaliste. Ushio Amagatsu explique alors comment cette notion a évolué au fil du temps pour devenir moins dramatique. Le chorégraphe envisage désormais le mot "ténèbres" au sens de "calme" et traduit d’ailleurs Shijima par "les ténèbres se calment dans l’espace".

La conversation se poursuit autour des questions de la scénographie (maquillage du visage, choix des couleurs, décor) et de la gestuelle du corps butô ("les mains et pieds recroquevillés, le crâne rasé, le corps poudré de blanc, des lambeaux collés au visage"), notamment en comparaison avec la pièce Des œufs debout par curiosité (1986).

Lise Brunel aborde ensuite l’analyse du spectacle Shijima sous l’angle de la philosophie et de la spiritualité et interroge Ushio Amagatsu sur son rapport à la vie et à la mort. "On peut - déclare le chorégraphe - figurer la vie comme un grand fleuve qui existe depuis toujours et coule éternellement. Et dans ce fleuve éternel, je vois ma propre existence comme une goutte d’eau. Dans chaque existence, il y a deux éléments : une existence limitée à cette goutte d’eau dans le fleuve éternel et une existence éternelle infinie. La première est une non-continuité, la seconde une continuité".

Enfin, après avoir abordé les sujets de la structure et du fonctionnement de la compagnie Sankai juku - composée exclusivement d’hommes -, l’entretien s’achève sur l’évocation d’une des dernières pièces de Ushio Amagatsu : Fushi, créée à la Fondation Jacob’s Pillow, aux Etats-Unis, sur une musique de Philip Glass.

L’entretien donnera lieu à un article dans Politis en octobre 1988 intitulé : "Les métamorphoses du Buto. Shijima : la force d’un choc".

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Ushio Amagatsu - Sankai juku - « Shijima » - Théâtre de la Ville (Paris), 4 octobre 1988 / Fonds Jean-Marie Gourreau – Médiathèque du CN D


[1Voir l’enregistrement sonore de l’entretien de Lise Brunel avec Ushio Amagatsu, réalisé en avril 1981 - Fonds Lise Brunel - Médiathèque du CND

[2Voir l’enregistrement sonore de l’entretien de Lise Brunel avec Ko Murobushi et Carlotta Ikeda, réalisé le 6 avril 1985 à l’Espace Kiron - Fonds Lise Brunel - Médiathèque du CND