Du tutu à l’académique, de la posture classique à la revendication néo-classique ?

Jacques Garnier – Aunis

Chorégraphie : Jacques Garnier
Musique : Maurice Pacher
Création : 1980 (version trio)

Enregistrement : 1994
Interprètes : Kader Belarbi, Jean-Claude Ciappara, Wilfried Romoli
Réalisateur : Luc Riolon
Durée : 12 min.



Jacques Garnier (1940-1989), formé dans la classe d’Yves Brieux au conservatoire national de Paris, intègre le Ballet de l’Opéra national de Paris en 1963. Là, il participe au Ballet-Studio de Michel Descombey créé en 1968, expérience qui l’incite à se confronter à d’autres techniques, notamment celles d’Alvin Ailey ou de Merce Cunningham lors de séjours aux États-Unis. Avide de liberté et mu par le désir de chorégraphier, il quitte l’Opéra de Paris accompagné de Brigitte Lefèvre, et en 1972 fonde le Théâtre du Silence. Il réintègre l’Opéra de Paris en 1981 lorsqu’il prend la tête du GRCOP (Groupe de recherches chorégraphiques de l’Opéra de Paris). Cet ensemble, qui réunit une douzaine de danseurs, a pour mission de promouvoir la danse contemporaine au sein de l’Opéra de Paris, et contribue à la visibilité dans l’Hexagone de chorégraphes américains, comme de jeunes créateurs de la « danse française ».

Aunis, créé le 23 novembre 1979 à la maison de la culture de la Rochelle par le Théâtre du Silence, est d’abord un solo, interprété par Jacques Garnier lui-même. Le mot « Aunis » désigne un territoire situé entre le Poitou au Nord et la Saintonge au Sud, délimité comme province au XIIIe siècle. La composition musicale de Maurice Pacher écrite pour deux accordéons, l’un chromatique, l’autre diatonique (aux sonorités plus « traditionnelles »), emprunte à différents airs du « folklore » régional et puise du côté de multiples danses « populaires » répandues dans le Poitou d’autrefois. Le projet de Jacques Garnier, qui est de créer une pièce sur des musiques jouées par cet instrument, s’en inspire pour l’élaboration de la gestuelle et ancre la chorégraphie dans un univers « traditionnel ».

En 1980, une version pour trois interprètes est créée. Puis, la pièce entre au répertoire du GRCOP en 1981 avant qu’une nouvelle version de l’œuvre soit adaptée pour Kader Belarbi, Jean-Claude Ciappara, et Wilfried Romoli, lors de la Biennale de Lyon en 1988.
Le début du film montre les deux accordéonistes dos aux vagues, les trois danseurs couchés dans le sable, dont l’éveil dans ce plein air venteux et revigorant ajoute à l’impression de communion avec une région et les éléments qui la façonnent. Au-delà des séries et suites de petits pas caractéristiques de nombreuses danses traditionnelles, les décalages, canons, motifs, éclatements dans l’espace ou changements d’orientation participent à la mise en scène de la joie et à un plaisir du mouvement communicatif. Ainsi, un danseur semble s’abandonner à une bascule supplémentaire alors que le deux autres initient les prémisses d’un unisson, plus loin un interprète souscrit à l’irrépressible envie d’adresser un saut à l’océan qui lui fait face, plutôt que de partager une orientation commune. La chorégraphie traduit le dynamisme et la sensibilité autant de l’environnement, de la musique que des interprètes qui « œuvrent sérieusement à ce qu’ils font sans jamais se prendre eux-mêmes au sérieux » (Maurice Pacher).

Notice rédigée par Lucile Goupillon.