Lycette Darsonval

Lycette Darsonval, une "vie sur les pointes"

Lycette Darsonval, une vie sur les pointes

 

[Lycette Darsonval a fait l’objet de nombreux articles à la fois dans la presse spécialisée et les gazettes. Ce montage présente un florilège d’articles issus des collections de la médiathèque. / réalisation Centre national de la danse ; Pantin, 2012]

Née en 1912, Lycette Darsonval est admise à l’école de l’Opéra de Paris à l’âge de douze ans. Après avoir réussi son examen d’engagement au sein du corps de ballet, elle grimpe rapidement les différents échelons. Coryphée, elle est distribuée en 1929 dans « Sylvia » où triomphe Carlotta Zambelli avant de participer aux « Créatures de Prométhée » que vient de monter Serge Lifar en remplacement de George Balanchine. Talentueuse mais d’un tempérament fougueux, elle décide brusquement de quitter l’Opéra et part pour l’Afrique dont elle revient décidée à se consacrer à la danse.

Remportant un éblouissant succès au concours international de 1933, Lycette Darsonval est engagée par Serge Lifar pour être sa partenaire lors d’une tournée qu’il organise aux Etats-Unis. Formée entre temps au répertoire russe auprès de Mme Egorova et acquérant une solide technique des pointes auprès de professeurs parisiens renommés, elle réintègre l’Opéra de Paris où elle est promue première danseuse à l’automne 1936. Elle s’impose lors du concours ouvert pour désigner la future interprète de Giselle - après le départ d’Olga Spessivtseva - qu’elle incarne pour la première fois le 17 juin 1936. Si ce rôle conservera sa prédilection, sa carrière sera plus particulièrement marquée par son interprétation du rôle de Sylvia, transmis par Carlotta Zambelli, dont elle donnera une version personnelle en 1979.

Dès son retour, sa carrière à l’Opéra est intimement liée à celle de Serge Lifar dont elle devient l’une des partenaires et des interprètes privilégiées. Elle crée notamment « David triomphant » (1937), « Oriane et le prince d’Amour » (1938), « Joan de Zarissa » (1942), « Suite en blanc » (1943), « Zadig et Lucifer » (1948), « Le Chevalier errant » (1950) et « Variations » (1953). Dans « Phèdre » (1950), elle est d’abord OEnone avant de reprendre le rôle titre créé par Tamara Toumanova. Première héroïne lifarienne, elle se voit ainsi offrir en 1938 un rôle dramatique et passionné dans « Oriane et le prince d’amour », lui valant d’être nommée « danseuse étoile » le 1er janvier 1940, distinction qu’elle est la première (avec Solange Schwarz) à recevoir officiellement à l’Opéra de Paris.

Lycette est également amenée à danser des ballets de différents chorégraphes qui travaillent pour la troupe, soit lors de créations d’Albert Aveline (« Elvire », 1937 ; « La Grande Jatte », 1950 ; « La Tragédie de Salomé », 1954) et George Balanchine (« Le Palais de cristal », 1947), soit pour la reprise ou l’entrée d’oeuvres au répertoire : « Sylvia » (versions de Serge Lifar, 1941 et d’Albert Aveline, 1946) ; « Les Deux pigeons » (Albert Aveline, 1942), « Coppélia » (Aveline, 1944) ; « Le Lac des cygnes » (acte II Gsovski, 1947) et le pas de deux du « Cygne noir » (Petipa, 1951) ; « Casse-Noisette » (acte II, Jean-Jacques Etcheverry, 1947) ; « Le Pas de quatre » (1959, Sir Anton Dolin) où elle incarne Taglioni.

Si Lycette Darsonval se découvre très tôt un goût pour la chorégraphie et réussit à faire entrer deux de ses ballets au répertoire de l’Opéra (« La Nuit vénitienne » en 1939 et « Combat » en 1957-1958), c’est surtout à l’occasion de galas et pour nourrir les programmes de la petite compagnie qu’elle anime en dehors de l’institution qu’elle se lance dans la chorégraphie. Elle signe ainsi une quinzaine de créations dont elle est généralement la principale interprète, entourée d’excellents partenaires (Alexandre Kalioujni, Serge Peretti, Michel Renault, Henry Danton, Gérard Ohn et Milorad Miskovitch), alternant les pièces sans intrigue - où seule compte la beauté de la danse néoclassique fortement influencée par Serge Lifar - avec des oeuvres narratives ou encore des ballets d’atmosphère symbolique. Mais l’essentiel de ses créations est destiné à illustrer un programme particulier, intitulé « Trois siècles de danse à l’Opéra de Paris » qu’elle aménage au fil du temps et en fonction des effectifs de sa compagnie. De 1941 à 1967, elle y retrace ainsi les principales étapes de l’histoire du ballet français. Elle conclut sa carrière de « choréauteur », en montant en 1979 une version intégrale de « Sylvia » pour l’Opéra de Paris reprise l’année suivante par le Ballet central de Pékin.

Au fil des années, Lycette Darsonval s’impose - tant sur la scène parisienne que lors des nombreuses tournées effectuées alors par la compagnie en Amérique du sud, en Espagne, au Portugal, au Danemark, au Japon - comme l’une des plus brillantes représentantes de l’école française. Dès le début, puis tout au long de sa carrière, les critiques qui rendent compte de ses prestations soulignent unanimement la sûreté magistrale et la prestesse de sa danse dans laquelle elle enchaîne avec une incroyable désinvolture tours, équilibres sur pointes et autres mouvements d’une grande difficulté. Cependant, pour elle la technique n’est qu’un instrument qui doit être mis au service de l’expressivité. « Interpréter c’est recréer, c’est animer d’une émotion propre, personnelle celle qui vous est étrangère, la faire vôtre et par là, la faire partager au spectateur » ne cesse-t-elle d’affirmer comme un credo. Virtuose, Lycette Darsonval s’impose dans les variations les plus difficiles. Ainsi, lorsque Serge Lifar décide de présenter dans sa « Suite en blanc », une anthologie de sa conception de la danse néoclassique, il trouve en elle une interprète idéale pour les séquences de la sérénade (solo), du presto (pas de cinq) et du final où elle a la charge d’exécuter l’éclatante série des 32 fouettés. Dans « Le Palais de cristal » en 1947, ballet conçu à l’attention des étoiles de l’Opéra de Paris, George Balanchine l’associe à l’étincelant premier mouvement, où sa fougue fait recette dans l’allegro vivace qu’elle danse avec Alexandre Kalioujni. Le répertoire de Marius Petipa et ses compositions chorégraphiques d’une haute technicité, alors encore peu dansé à l’Opéra de Paris, semble lui être destiné. Lycette Darsonval est ainsi la première danseuse française à se produire dans « Le Cygne noir ». Donné comme une pièce autonome, détaché de son contexte, le pas de deux de l’acte III du « Lac des cygnes » entre au répertoire de l’Opéra comique en janvier 1951. Elle s’y confronte ainsi avec succès aux ballerines étrangères qui se sont déjà distinguées dans ce rôle, Rosella Hightower et Alicia Alonso plus particulièrement.

Lycette Darsonval fait ses adieux officiels à la troupe le 17 décembre 1959. Quitter la scène est une étape douloureuse dans la vie de Lycette Darsonval. L’enseignement, la chorégraphie, la participation à des jurys de concours internationaux (dont celui de Varna en 1978), la présentation de conférences, la fréquentation de la Librairie-Galerie de Gilberte Cournand dont elle est depuis longtemps l’amie lui permettent cependant de rester en contact avec le milieu. « La danse a été mon sacerdoce. Je n’ai vraiment vécu que pour elle » avoue-t-elle en conclusion du livre de ses souvenirs publié en 1988. Rongée par une polyarthrite qui la fait terriblement souffrir, elle meurt à Saint-Lô le 1er novembre 1996.

D’après Nathalie Lecomte (2003)

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