Danseuse, chorégraphe et pédagogue d’origine suisse, Suzon Holzer (1939-2024) ne fait pas partie des figures les plus connues de l’histoire de la danse contemporaine en France. Elle a pourtant joué un grand rôle dans l’éclosion de toute une génération de chorégraphes dans les années 1970. Passionnée de musique et d’arts plastiques, Suzon Holzer étudie notamment auprès de Janine Solane, John Butler, Dorothy Madden, Lucas Hoving ou Carolyn Carlson. Elle est l’auteure d’une oeuvre foisonnante et subtile que Lise Brunel va suivre au long des années 1970 et 1980.
La critique de danse réalise ses premières interviews avec l’artiste en 1970 alors que cette dernière vient de créer, avec Renate Pook, Linda Mitchell et Georges Tugdual, la compagnie “Ouverture”. En 1972, Lise Brunel a de nouveau l’occasion de réaliser une interview avec la chorégraphe qui rentre tout juste d’un voyage d’études à New York.
Le présent entretien, daté de février 1975, se situe juste après une série de représentations, au Théâtre de la Cité internationale à Paris, de la pièce Balances, chorégraphié par Suzon Holzer. “Idée chorégraphique et funambulesque”, la pièce rassemble 3 danseurs (Dominique Petit, Christine Varjan et Suzon Holzer), un funambule et une jongleuse (Charly et Hélène Barrello de la compagnie Abracadabra) sur une musique originale de Lubomyr Melnyk.
La conversation porte d’abord sur la question du processus de composition de la pièce Balances. Dominique Petit et Suzon Holzer racontent comment ils ont construit la chorégraphie « brique par brique » comme un véritable collage inspiré par le fil « en tant que ligne » mais aussi par le mouvement et le rythme des balles auxquels est venu s’ajouter ensuite la musique de Lubomyr Melnyk. Jouant avec le hasard et l’équilibre, le spectacle contient volontairement une part d’improvisation et d’imprévu notamment quand les danseurs se glissent sous le fil où évolue le funambule Charly Barrello. « Cela force à découvrir d’autres dimensions que les nôtres. Celle de l’espace est tellement merveilleuse. Il y a une espèce de magie de sentir une présence vivante qui marche au-dessus de nous » explique Suzon Holzer, pour qui l’interdisciplinarité apporte beaucoup à la danse. Lise Brunel interroge les artistes sur la perception qu’ils ont les uns des autres dans le mouvement mais aussi sur la dimension dramatique du câble où le funambule doit sans cesse lutter pour maintenir l’équilibre et éviter la chute. La journaliste conclut l’entretien avec une réflexion autour de la sensation éprouvée pendant le spectacle : « je n’avais jamais eu aussi fortement la révélation du temps » écrit-elle dans sa critique parue en février 1975 dans Les Chroniques de l’Art Vivant [1], où elle explique avoir perçu « après coup la vitesse des danseurs par rapport au temps ralenti du funambule ».
- Suzon Holzer - Balances - La Défense - ca 1975 / Fonds Suzon Holzer – Médiathèque du CN D
[1] Les Chroniques de l’Art Vivant. - "Balances : funambule, balles et danseurs, des équilibres au fil du temps", février 1975