c. La danse tordue de Latifa Laâbissi
Latifa Laâbissi éprouve aussi le besoin de convoquer l’héritage des « danses tordues » au moment même où elle problématise la question des minorités et la violence de la mémoire coloniale dans le champ de la danse contemporaine. Dans Adieu et merci, elle se livre en effet à une « danse sauvage », comme saisie de secousses sur une chanson rock de Bob Dylan reprise par Patti Smith. Elle retrouve les désarticulations associées à cette musique mais aussi les dissociations du corps et les grimaces de Joséphine Baker. S’opère alors une généalogie souterraine entre les gestes des « nègres » et ceux des « folles », les « danseuses épileptiques » du début du XXe siècle, enfermées à l’hôpital parisien de la Salpêtrière. Car les danses afro-américaines en France ont aussi été accueillies comme relevant de la pathologie et de l’épilepsie « gestuelle ». Ainsi, à travers cette séquence, Latifa Laâbissi prend à bras le corps une histoire culturelle refoulée par l’histoire de la modernité en danse.
Joséphine Baker dans « Plantation », 1927. Photogrammes issus de La Revue des revues de Joe Francis. Collection Lobster Films
Latifa Laâbissi dans Adieu et merci. Photos de Nadia Lauro