Transmission, répertoires et traditions
Dans Poétiques et politiques des répertoires, les danses d’après, I (paru en 2017), j’ai voulu observer la façon dont se transmettent et se transforment des traditions en danse scénique et la façon dont elles s’inventent. Ces « danses d’après », ce sont des danses d’après d’autres danses, c’est-à-dire qui varient, recyclent ou en interprètent d’autres à travers des traditions et des répertoires différents. Il m’est en effet vite apparu qu’il fallait s’interroger sur la notion de répertoire et sur ce qu’elle désigne, en partant de l’étude d’une compagnie dite de répertoire, celle de l’Opéra de Paris. En observant le devenir d’une œuvre comme Giselle par exemple, depuis sa création en 1841, on peut remarquer une grande liberté d’interprétation et de composition dans ses multiples reprises par les danseurs et les maîtres de ballet, liberté ou marge de manœuvre que je ne voyais pas par exemple dans la démarche des Carnets Bagouet. Ils étaient très soucieux d’être fidèles à l’auteur, à l’œuvre comme aux façons même d’interpréter Bagouet, parce que la conception de l’œuvre y est loin de ce qu’on appelle un « ballet ». Ma réflexion sur la mémoire des œuvres en danse ne pouvait faire l’économie d’une analyse du fonctionnement du répertoire du ballet dit
« classique », de son système global, d’une approche structurale, il y avait là beaucoup à apprendre sur la question de la mémoire des œuvres. Avant même d’aborder la façon dont les « contemporains » reprenaient leur propre répertoire et notamment les œuvres dites modernes, il fallait faire un détour par les cadres de ces répertoires qui sont transmis de corps en corps, non sans discontinuités et transformations. Il me fallait comprendre comment et pourquoi on danse toujours Giselle aujourd’hui.