La danse écrite de Rudolf Laban
Rudolf Laban, enfin, prend acte de la désagrégation des traditions orales en Europe provoquée par la crise de l’expérience dans les sociétés industrielles, capitalistes et urbaines. D’une certaine manière, il a l’idée que, derrière toute tradition, se cache une écriture du mouvement que l’on peut mettre au jour. Il pense que l’effort de transcription du mouvement va permettre d’inventer de nouvelles traditions, alors même qu’il y a une rupture dans l’expérience. C’est assez paradoxal : il acte la disparition des traditions, tout en créant la possibilité d’une « discontinuité continue » puisque chacun va pouvoir se ressaisir d’une partition (même s’il ne s’inscrit pas dans la tradition dont cette partition est issue). Si son effort n’a pas permis d’inventer effectivement une nouvelle tradition de danses populaires, le système de notation qu’il a imaginé dans les années 1920 et qui est utilisé aujourd’hui encore (la notation Laban ou cinétographie Laban) a permis au Quatuor Knust, par exemple, mais aussi à bien d’autres, de se ressaisir d’œuvres sans qu’il y ait eu de transmission orale ou de corps à corps.