Introduction
La création du Théâtre contemporain de la danse figure parmi les dix mesures nouvelles pour la danse que Jack Lang, ministre de la Culture, expose le 26 avril 1984. [1] Elle émane d’une volonté directement politique et étatique de répondre à « trois lacunes [que] la profession déplore dans les possibilités de travail offertes par la capitale : l’absence d’un enseignement professionnel contemporain de haut niveau […], l’absence d’un lieu de répétition convenable et bon marché pour les compagnies, la quasi absence d’un lieu de présentation des créations des compagnies contemporaines françaises [...] » [2]
Les missions du TCD qui en découlent s’exposent de manière limpide : « D’une manière générale, la promotion de l’art chorégraphique, et plus spécialement apporter aux danseurs professionnels et aux compagnies, la possibilité : d’organiser des cours de danse contemporaine de haut niveau, à des tarifs aussi peu élevés que possible, en faveur des professionnels ; de permettre à des compagnies françaises [3] de danse de répéter et de créer par la mise à disposition de studios dans des conditions économiques favorables ; d’organiser des spectacles de danse principalement française et contemporaine, afin de permettre à un nombre important de compagnies d’avoir accès à un plus grand public, notamment parisien. » [4]
De 1984 à 1999, le TCD ne connaîtra qu’une seule direction, en la personne de Christian Tamet, et une seule présidence, assumée par André Larquié. Une équipe légère mettra au point quinze saisons, consistant en une offre d’abonnements, à des tarifs alléchants, pour des spectacles de danse programmés à Paris et en Île de France. Le TCD produit ou coproduit quelques-uns d’entre eux. Et il passera des accords divers de diffusion, accueil, billetterie partagée, avec une trentaine d’établissements et lieux parisiens, une vingtaine au-delà du périphérique. Près de 160 chorégraphes (ou collectifs) apparaîtront dans le cadre de cet abonnement parisien (hors studio) ou francilien au fil des saisons, certains accompagnés dans la durée, d’autres de façon plus ponctuelle. Ils y trouveront un support à leur émergence, voire à la confirmation de leur reconnaissance. Leur liste présente un très large panel de styles et profils divers, reflet d’une « nouvelle danse française » alors bouillonnante. [5] A partir du début de la décennie 90, l’attention pour le hip hop connaîtra au TCD un moment très fort. [6] A l’inverse, les esthétiques de la déconstruction critique de la représentation (dites "non-danse" à partir du milieu des années 1990) y seront peu montrées.
Gérard Mayen
[1] Outre les données contenues dans les archives et ressources documentaires conservées au CND, la présente analyse a été nourrie par des entretiens de vive voix menés en 2014 avec Christian Tamet, délégué général du TCD tout au long de son existence, et avec Laurent Barré, Isabelle Galloni d’Istria et Anita Mathieu qui, tous trois, à des moments divers, furent membres de son équipe permanente.
[2] Extrait du dossier fourni à l’appui des propos du ministre lors de sa conférence de presse du 26 avril 1984.
[3] Cette préférence nationale ne connaîtra quasi aucune exception durant les quinze années d’existence du TCD et s’il en est, elles seront alors fortement soulignées : la 7e saison (1990-91) propose deux pièces comme fruit d’un accord de structure à structure entre le théâtre du Mercat de les flors à Barcelone et le TCD (une pièce de la compagnie catalane Lanonima imperial, et une pièce en collaboration de la chorégraphe Kilina Crémona aux côtés du chanteur catalan Lluis Llach). Cette opération est présentée comme annonciatrice de retombées en retour, offrant des opportunités de programmation hors frontières pour les compagnies françaises. Un accord avec le festival italien RomaEuropa est également annoncé. Après quoi on ne repère aucune suite à ces initiatives.
[4] Christian Tamet énonce lui-même sous forme de citation cette définition des missions de l’organisme qu’il dirige, au moment de répondre à Dominique Frétard pour l’entretien figurant au dossier de presse de la 6e saison (1989-90) comme dans le n°8 de La Lettre de la danse, édité sous une forme valorisée en 1988 à l’occasion de « L’année de la danse ». Christian Tamet ne cite pas ici sa source, mais la tournure laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un extrait des statuts associatifs du TCD (non présents dans les archives au CND). En substance, ces objectifs sont répétés sous des formes proches dans quelques éditoriaux des brochures de saison, ou encore dans le dossier « TCD, mode d’emploi » figurant au sommaire du n°4 de La Lettre de la danse (juin 1986).
[5] Marcelle Michel, critique de danse, conclut son texte dressant paysage de la danse contemporaine française, pour la brochure publique de la 2e saison du TCD, sur la mention suivante : « Aujourd’hui on compte deux cents groupes et groupuscules fortement individualisés. Aucun pays ne connaît l’équivalent de ce mouvement qui commence à être perçu de l’étranger comme un produit typiquement français. »
[6] On verra comment les caractéristiques d’organisation et de diffusion propres à ce secteur rendent très aléatoires la production de données purement statistiques en termes de nombres de chorégraphes présentés.